Résumé : Depuis 1959, le seul accroc à la carrière exemplaire du lieutenant du KGB Evgueni Feodorovitch Ivanov est son incapacité à mettre la main sur un écrivain dissident. Celui-ci se permet, en effet, d'utiliser le pseudonyme d'Abram Tertz, un nom juif, pour critiquer le réalisme socialisme et se moquer du soviétisme, en publiant ses écrits à l'étranger.
Mon avis : Dans ce livre, Iegor Gran, se penche sur l'enquête qui a conduit à l'arrestation et la condamnation au goulag de son père, l'écrivain Andreï Siniavski.
L'histoire est truffée d'anecdotes sur le régime soviétique des années 1959 à 1965. Pour certaines, l'écrivain prend sans doute quelques libertés avec l'histoire car un passage semble évoquer le fiasco du champ pétrolifère de Darvaza au Turkménistan , or les faits datent de 1971.
Le ton est résolument ironique et moqueur, dans la droite lignée de son père. J'ai trouvé très intéressant qu'il raconte cette histoire du point de vue de l'agent du KGB.
Ivanov est un agent très investi et convaincu par l'idéologie soviétique. Il méprise ceux qui regardent un peu trop du côté de l'occident. Pour lui, le régime a beaucoup progressé par rapport aux années Staline, il est presque devenu laxiste. La façon dont il considère qu'une condamnation de quelques années au goulag est magnanime donne une certaine idée de sa psychologie 😶.
Sa femme est tout aussi fidèle au régime même si le couple ne rechigne pas sur les petits avantages que leur loyauté leur apporte. Après tout, ils se disent qu'ils les méritent ! A eux deux, ils forment un foyer sans passion et plutôt routinier.
Le récit fait la part belle aux moyens déployés par le KGB, entre filatures systématiques, mises sur écoute, techniques psychologiques d'interrogatoires et informateurs zélés, on découvre des agents aux comportements obsessionnels et à l'esprit critique quelque peu émoussé.
Toutes les absurdités du système soviétique sont tournées en dérision. Des immeubles mal conçus aux ruptures de stock permanentes pour des produits de mauvaise qualité, le peuple russe apparaît comme le roi de la débrouille face à un système rigide et procédurier.
Le fatalisme du couple Siniavski, les parents de l'auteur, est en parfaite opposition avec l'agitation des services compétents, ce cher KGB. Sa mère s'illustre particulièrement par sa capacité à se moquer du système jusqu'au bout. Au jeu du chat et de la souris, on sait dès le début que le félin va attraper sa proie mais une chose est sûre, il ne réussira pas à la dévorer.
On prendrait presque Ivanov en sympathie, pour s'être fait mener en bateau tant d'années, s'il n'aimait pas autant son travail.
En bref, j'ai énormément apprécié l'humour de l'auteur, sa façon de parler d'un système totalitaire en mettant l'accent sur les humains, finalement assez ordinaires, qui le faisaient fonctionner. Dans un passage, même Khrouchtchev, qui s'endort devant Huit et demi de Fellini, apparaît juste comme un homme vieillissant.
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